Syndrome de l’intestin irritable (SII) : quelles solutions naturelles sont efficaces selon la science ?

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Bien qu’aucune explication n’existe à ce jour pour décrire de façon certaine le mécanisme qui se cache derrière le syndrome de l’intestin irritable, les personnes qui en souffrent voient leur qualité de vie considérablement réduite. Peu aidées par les médicaments, beaucoup de personnes concernées se tournent vers les médecines douces ou tentent des régimes alimentaires. Qu’en est-il de leur efficacité selon la science ? C’est la question que nous avons posé à Sandrine Farnetti, naturopathe et Philippe Lenoir, médecin généraliste.

Philippe Lenoir est médecin généraliste dans l’Hérault, journaliste médical et expert médico-scientifique au sein de Kalya Santé.

Sandrine Farnetti est naturopathe en Ile de France depuis plus de 10 ans. Elle choisit d’agir sur la santé des patients grâce à la naturopathie avec une spécialité en équilibre digestif et émotionnel. 

Tous deux ont un regard expérimenté et complémentaire sur le syndrome de l’intestin irritable.

Quand médecins et praticiens s’associent pour aider les patients : regards croisés !

Qu’est-ce que le syndrome de l’intestin irritable ?

Sandrine Farnetti : La colopathie fonctionnelle, syndrome de l’intestin irritable (SII) ou encore syndrome du côlon irritable (SCI), tous ces termes désignent la même chose : un mauvais fonctionnement de l’intestin associé soit à une constipation, soit à des diarrhées soit à une alternance entre les deux. Les personnes atteintes de ce trouble souffrent de douleurs intenses aiguës ou chroniques qui surviennent et qui partent sans véritablement savoir ni comment ni pourquoi. Tant que nous ne sommes pas atteints par ce problème, nous imaginons mal le quotidien de ces personnes, souvent des femmes : 2 sur 3 selon l’APSSII. Elles souffrent de douleurs intenses, de ballonnements, de gaz, de troubles du transit. Elles peuvent ressentir des douleurs dans d’autres parties du corps : bassin, dos, des brûlures d’estomac, des maux de têtes. Leur vie sociale, professionnelle et intime en est extrêmement handicapée. Elles se sentent souvent démunies, irritables et très vulnérables au stress, voire déprimées.

Philippe Lenoir : Le SII, parfois appelé « troubles fonctionnels intestinaux » en opposition à un trouble « organique » est un diagnostic d’exclusion c’est à dire qu’on arrive à un tel diagnostic après avoir éliminé toute autre pathologie digestive chronique. Comme il n’y a pas vraiment de lésion de la muqueuse à la coloscopie, on a longtemps dit que le problème était « dans la tête ». C’est en fait bien plus complexe que ça. Problèmes de motricité de l’intestin et hypersensibilité viscérale médiés par des anomalies au niveau du microbiote intestinal, anomalies de production d’acides biliaires, anomalies du contrôle cérébral et médullaire de la douleur, manque de sérotonine : on commence à peine à comprendre les mécanismes sous-jacents. Ce qui est à peu près certain, c’est que le stress psychologique est un facteur favorisant sinon déclenchant. Ainsi, toute pratique permettant d’inscrire la gestion du stress dans le quotidien de la personne est probablement salutaire.

Quelles pratiques peuvent aider les personnes atteintes de ce trouble, à réduire leurs symptômes et à améliorer leur qualité de vie ?

Sandrine Farnetti : D’une façon générale, les études récentes nous disent que les deux piliers fondamentaux pour agir sur ce syndrome sont l’alimentation et les thérapies corps-esprit au sens large. Adopter une alimentation spécifique est donc nécessaire pour commencer à réduire les douleurs. Une étude nord-américaine de 2019 nous apprend en effet que le régime à faible teneur en FODMAPs procure un soulagement à court terme (1). Il s’agit d’un mode d’alimentation où l’on supprime les aliments contenant certaines fibres spécifiques, responsables de la fermentation.
C’est un régime qui implique un suivi sur une certaine période avec un retour à une alimentation santé après avoir « travaillé » sur le microbiote. Ce qui est très intéressant dans cette étude c’est qu’elle nous révèle de nouvelles pistes. Un changement d’alimentation seul ne suffit pas à améliorer la qualité de vie des patients.
D’une façon générale, des approches « corps-esprit » pratiquées de façon régulière pendant plusieurs mois peuvent aider à réduire les douleurs ainsi que l’anxiété et la dépression. Qu’est-ce qu’une thérapie « corps-esprit » ? Il n’y a pas de définition scientifique mais il s’agit d’une pratique où l’on travaille soit sur le corps pour apaiser l’esprit soit sur l’esprit pour apaiser le corps. L’un et l’autre étant absolument liés. Et si l’un est en bonne santé l’autre ne s’en portera que mieux.

Philippe Lenoir : Après avoir éliminé une pathologie « organique » par des examens de routine, la modification du régime alimentaire est l’une des interventions les plus couramment utilisées. Le régime pauvre en FODMAPs est en effet d’une efficacité redoutable à court terme. Les études ont montré que 50% à 86% des patients sont améliorés. Hélas, il s’agit d’un régime restrictif très difficile à suivre. Les FODMAPs sont en effet des fibres fermentescibles omniprésentes dans l’alimentation : blé, seigle, oignons, ail, légumineuses, lait, yaourt, miel, pommes, poires, sirop de maïs à haute teneur en fructose, fruits, édulcorants artificiels présents dans les confiseries etc. De plus, certains de ces FODMAPs ont des actions prébiotiques. Leur restriction, dans le cadre d’un régime pauvre en FODMAPs, peut conduire à une réduction des bactéries bénéfiques pour le microbiote intestinal. Pour cette raison, il est généralement recommandé de suivre le régime pauvre en FODMAPs en 2 phases.

La première phase consiste à évaluer chez le patient le degré de bénéfice du régime après une phase initiale d’élimination stricte des aliments riches en FODMAPs, généralement d’une durée de 6 à 8 semaines. Les aliments riches en FODMAPs sont ensuite réintroduits par étapes pour déterminer le type et la quantité de FODMAPs qui peuvent être tolérés. Cette deuxième phase adapte le régime pauvre en FODMAPs à chaque patient. Le but est de limiter les restrictions alimentaires inutiles et assurer une alimentation variée, tout en maintenant un niveau satisfaisant du contrôle des symptômes.

Les symptômes de certains patients sont tout simplement améliorés par la réduction des aliments produisant des ballonnements. Ceux-ci comprennent les haricots, les oignons, le céleri, les carottes, les raisins secs, les bananes, les abricots, les pruneaux, les choux de Bruxelles, les germes de blé, ou encore les bretzels et les bagels. C’est une alternative intéressante au régime pauvre en FODMAPS car moins contraignant.

Je suis bien d’accord pour dire que ces modèles d’alimentation sont « palliatifs » et que le traitement de fond se situe plus au niveau du mode de vie. Les auteurs d’une revue récente de la littérature scientifique concluent d’ailleurs que pour des symptômes modérés, une stratégie de modification de mode de vie semble particulièrement pertinente avec en ligne de mire une alimentation saine (éviction de la « junk food »), une amélioration de la qualité du sommeil et des stratégies de relaxation pour éviter l’anxiété et le stress (1). A cela, je rajouterais l’activité physique par expérience et sur la base de la littérature scientifique même si d’autres études doivent être menées pour confirmer son efficacité dans ce domaine (2).

D’autres méthodes ont montré des bénéfices dans cette indication : les probiotiques, les symbiotiques, et de manière plus anecdotique : l’huile essentielle de menthe poivrée, l’Aloe vera et l’asafoetida, une épice utilisée dans la cuisine végétarienne indienne (3,4).

Avant tout, mieux vaut consulter un médecin pour éliminer d’autres diagnostics. Plusieurs études ont par exemple montré que certains patients atteints du SII, en particulier les patients présentant une forme diarrhéique, ont souvent un SIBO (prolifération bactérienne de l’intestin grêle). Ces mêmes patients ont montré une amélioration de la douleur et la diarrhée après l’éradication de la prolifération bactérienne (5,6).

Pouvez-vous nous donner des exemples de pratiques corps-esprit étudiées par la science ?

Sandrine Farnetti : Une large synthèse a été menée en Chine sur le sujet en 2016 et montre que toutes les thérapies « corps-esprit » pratiquées à l’extérieur telles que le Qi Gong et le Tai Chi, améliorent les symptômes gastro-intestinaux chez les patients chinois atteints du syndrome de l’intestin irritable. Les conclusions soulignent l’amélioration d’autres résultats, notamment la dépression, l’anxiété et la qualité de vie (7).
Le yoga est typiquement une pratique qui a un effet sur les symptômes digestifs du SII. Les études montrent qu’il réduit en outre l’anxiété liée au syndrome et la qualité de vie (8).
Les Thérapies cognitives et comportementales (TCCétaient jusqu’à présent la référence en matière de réduction du stress et de réduction des symptômes liés au SII (1). Mais certaines études synthétisées en 2016 ont suggéré que des stratégies alternatives comme la pleine conscience et l’acceptation étaient tout aussi efficaces dans la gestion des symptômes (9).

Philippe Lenoir : Entre méthodes corps-esprit et interventions purement psychologiques, les moyens de réguler la sphère digestive sont nombreux. La thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnothérapie, la psychothérapie dynamique, le tai chi, le qi gong, le yoga, la méditation, la relaxation musculaire progressive (PMRT), le biofeedback ou encore la musicothérapie sont autant d’approches ayant démontré une efficacité (7,10). A la question « Quelle méthode choisir ? », je réponds celle que l’on pourra insérer au mieux dans son quotidien. En tout cas, le stress psychologique doit systématiquement être ciblé pour réduire les problèmes digestifs.

Quel message voulez-vous faire passer aux personnes présentant ces problématiques digestives ?

Sandrine Farnetti : Toutes ces études publiées présentent généralement des limites méthodologiques importantes, il sera intéressant de suivre les prochaines publications à ce sujet. Cependant, il est tout à fait intéressant de voir qu’il y a des pistes qui fonctionnent et que les troubles fonctionnels intestinaux peuvent être améliorés permettant de gagner en qualité de vie. Alors ne restez plus seuls avec vos troubles digestifs et surtout faites-vous accompagner par un thérapeute spécialisé, qui aura cette approche corps-esprit et qui travaillera en collaboration avec le médecin traitant.

Philippe Lenoir : Le syndrome de l’intestin irritable répond très souvent aux modifications du mode de vie. Les thérapies dites « corps-esprit » peuvent être une aide précieuse. Les stratégies alimentaires que j’appelle « palliatives » peuvent être utilisées pour un obtenir un effet rapide mais l’enjeu est plutôt d’obtenir des changements de comportements au quotidien comme améliorer son alimentation (manger moins gras, moins sucré, plus lentement), améliorer son sommeil, adopter des stratégies de gestion du stress et augmenter son niveau d’activité physique. Cela implique de prendre du temps pour soi. Avant toute chose, penser à consulter un médecin pour éliminer les diagnostics alternatifs.

Découvrir l’accompagnement de Sandrine FARNETTI

Ressources Bibliographiques :

1. Alammar N, Stein E. Irritable Bowel Syndrome: What Treatments Really Work. Med Clin North Am. 1 janv 2019;103(1):137‑52.

2. Zhou C, Zhao E, Li Y, Jia Y, Li F. Exercise therapy of patients with irritable bowel syndrome: A systematic review of randomized controlled trials. Neurogastroenterol Motil. 2019;31(2):e13461.

3. Asha MZ, Khalil SFH. Efficacy and Safety of Probiotics, Prebiotics and Synbiotics in the Treatment of Irritable Bowel Syndrome. Sultan Qaboos Univ Med J. févr 2020;20(1):e13‑24.

4. Hawrelak JA, Wohlmuth H, Pattinson M, Myers SP, Goldenberg JZ, Harnett J, et al. Western herbal medicines in the treatment of irritable bowel syndrome: A systematic review and meta-analysis. Complement Ther Med. 1 janv 2020;48:102233.

5. Pimentel M, Chow EJ, Lin HC. Eradication of small intestinal bacterial overgrowth reduces symptoms of irritable bowel syndrome. Am J Gastroenterol. 1 déc 2000;95(12):3503‑6.

6. Pimentel M, Chow EJ, Lin HC. Normalization of lactulose breath testing correlates with symptom improvement in irritable bowel syndrome: a double-blind, randomized, placebo-controlled study. Am J Gastroenterol. 1 févr 2003;98(2):412‑9.

7. Mind–Body Interventions for Irritable Bowel Syndrome Patients in the Chinese Population: a Systematic Review and Meta-Analysis | SpringerLink [Internet]. [cité 9 avr 2021]. Disponible sur: https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs12529-016-9589-0

8. Schumann D, Anheyer D, Lauche R, Dobos G, Langhorst J, Cramer H. Effect of Yoga in the Therapy of Irritable Bowel Syndrome: A Systematic Review. Clin Gastroenterol Hepatol. 1 déc 2016;14(12):1720‑31.

9. REED – Revista Española de Enfermedades Digestivas [Internet]. [cité 9 avr 2021]. Disponible sur: https://www.reed.es/ArticuloFicha.aspx?id=1641&hst=0&idR=52&tp=1&AspxAutoDetectCookieSupport=1

10. Ford AC, Lacy BE, Harris LA, Quigley EM, Moayyedi P. Effect of Antidepressants and Psychological Therapies in Irritable Bowel Syndrome: An Updated Systematic Review and Meta-analysis. Am J Gastroenterol. janv 2019;114(1):21‑39.

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