Entre ouverture d’esprit et esprit critique il y a… la curiosité. Cette période d’épidémie à Covid-19 incite à recevoir l’information avec prudence. Le concept du régime alcalin est séduisant. Hélas, les études sur ce modèle d’alimentation se font rares. Pire, une partie de la communauté des chercheurs décrient les fondements scientifiques de ce régime. Ainsi, bien que des effets sur l’immunité lui ait été rapportés, une prise de recul semble nécessaire.
Les effets suggérés du régime alcalin sur le système immunitaire
Un régime alimentaire avant tout basé sur des croyances
Le régime alcalin se base sur la croyance que certains aliments peuvent influencer l’équilibre acido-basique du corps humain. Selon certains chercheurs, cet équilibre permettrait de prévenir ou guérir de certaines maladies en jouant un rôle dans l’ajustement du pH sanguin (1).
Ce que disent les promoteurs de ce régime sur ses mécanismes
La théorie de la modulation du terrain par l’alimentation
La plage normale de pH du sang artériel est de 7,35 à 7,45. Un régime ou des boissons pourraient induire une alcalose métabolique de bas grade (très petites augmentations du pH sanguin dans la plage considérée comme normale). Selon les défenseurs de ce régime, les aliments sont classés comme acidifiants ou alcalinisants. Il conviendrait alors de privilégier les aliments « alcalinisants ».
Un indicateur pour mesurer cette modulation ?
L’indice PRAL (en anglais : Potential Renal Acid Load) permettrait de connaître l’effet acidifiant ou alcalinisant des aliments consommés. Comment? Grâce à la mesure de l’acidité des urines produites à la suite de leur ingestion et de leur digestion.
Que dit la science sur son impact réel contre la Covid-19 ?
Des preuves scientifiques maigres
Selon une étude parue dans la revue scientifique Journal of virology en 1990, un coronavirus s’est révélé assez stable à pH 6,0 et à 37 ° C. En revanche, il a été rapidement inactivé par un traitement bref à pH 8,0 et à 37 ° C (2).
De surcroit, selon l’auteur d’une publication parue en 2016, le système de défense antivirale pourrait être plus efficace près de l’extrémité supérieure de la plage normale (pH du sang entre 7,35 à 7,45) que près de son extrémité inférieure (3). Un environnement légèrement alcalin pourrait affaiblir les virus et les empêcher de se multiplier efficacement. La fonction immunitaire pourrait également mieux fonctionner en milieu alcalin.
Des preuves scientifiques trop maigres
Bien que ce concept soit séduisant, aucune étude clinique n’a vérifié l’effet des régimes alcalins contre les infections virales respiratoires (notamment la Covid-19). En outre, l’intérêt de l’indice PRAL n’est pas suffisamment étayé scientifiquement et resterait du domaine de l’empirisme. De plus, selon le MD Anderson Center au Texas (USA), un changement de régime alimentaire peut en effet entraîner un changement de pH dans la salive ou l’urine. En revanche, il est impossible qu’il existe un vrai impact dans le sang (5). Ces affirmations relèveraient alors de croyances sans fondement scientifique avéré.
Que penser de ce régime ?
Protocole alimentaire
L’augmentation des sources alimentaires alcalinisantes (principalement l’eau, les fruits et légumes) apportent des bénéfices en termes de santé. En revanche, la réduction ou l’abandon de nombreux aliments dits « acidifiants » (viande, poisson, œufs, produits laitiers, céréales et produits céréaliers, boissons gazeuses, café, etc.) pourrait générer des carences (ex : calcium et/ou potassium).
Techniques de réduction du stress
En plus d’un régime alimentaire, ce programme propose des techniques de réduction du stress (ex : la méditation) car celle-ci produirait un pH alcalin. A l’inverse, stress et anxiété pourraient, selon les promoteurs du régime, induire la production d’un pH acide dans le sang.
Si, en soi, la gestion du stress améliore probablement le fonctionnement du système immunitaire, proposer une explication non vérifiée nous semble la porte ouverte à des dérives d’ordre intellectuel.
Des preuves scientifiques inexistantes
Ainsi il n’existe actuellement aucune preuve scientifique à l’appui des allégations santé de régime. Aucun protocole basé sur le régime alcalin ne peut, dès lors, être mis en avant.
En bref
Les bénéfices du régime alcalin sont insuffisamment étayés par la science. En outre, celui-ci présente des risques théoriques de carences. Or ces carences sont préjudiciables pour la santé. Privilégier le modèle méditerranéen. Ce dernier ne présente pas de risque. Il est facile à suivre et ses bénéfices sont plus probants.
Références bibliographiques
1. Mousa HA-L. Prevention and Treatment of Influenza, Influenza-Like Illness, and Common Cold by Herbal, Complementary, and Natural Therapies. J Evid-Based Complement Altern Med. 1 janv 2017;22(1):166‑74.
2. Sturman LS, Ricard CS, Holmes KV. Conformational change of the coronavirus peplomer glycoprotein at pH 8.0 and 37 degrees C correlates with virus aggregation and virus-induced cell fusion. J Virol. 1 juin 1990;64(6):3042‑50.
3. Prevention and Treatment of Influenza, Influenza-Like Illness, and Common Cold by Herbal, Complementary, and Natural Therapies – Haider Abdul-Lateef Mousa, 2017 [Internet]. [cité 25 févr 2021]. Disponible sur: https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2156587216641831
4. Mousa HA-L. Prevention and Treatment of Influenza, Influenza-Like Illness, and Common Cold by Herbal, Complementary, and Natural Therapies. J Evid-Based Complement Altern Med. janv 2017;22(1):166‑74.
5. Blackburn KB. Alkaline diet: What cancer patients should know [Internet]. MD Anderson Cancer Center. [cité 21 sept 2020]. Disponible sur: https://www.mdanderson.org/cancerwise/alkaline-diet–what-cancer-patients-should-know.h00-159223356.html