Initialement utilisé pour améliorer les épilepsies résistantes aux médicaments, le régime cétogène se voit actuellement testé dans de nombreuses maladies chroniquesmaladie de longue durée. Pour certains chercheurs, celui-ci aurait des effets sur l’immunité. Pour d’autres, il serait même théoriquement capable de réduire la phase inflammatoire de la Covid19. Les personnes les plus à risque pourraient-elles en bénéficier ? Faisons le point sur l’état de la recherche à ce sujet.
Les effets suggérés du régime cétogène sur le système immunitaire
Le régime cétogène en bref
Mécanisme
Le régime cétogène vise à réduire de manière drastique la consommation de glucides au profit des lipides. Ces derniers doivent représenter les principales sources de calories pour provoquer un état de cétose. Les matières grasses, en devenant la première source d’énergie pour l’organisme (par manque de glucose), sont alors transformées en « corps cétoniques » pour alimenter le cerveau et fournir de l’énergie aux muscles.
Description
Pour se faire, le régime cétogène se base généralement sur :
- la consommation de graisses naturelles non transformées (ex : fruits à coque, avocats, maqueraux, sardines, huiles d’olive, de sésame, de noix, de lin et de colza) ;
- la consommation de protéines provenant principalement de poulets et d’œufs élevés au pâturage, de bœuf nourri à l’herbe et de poissons sauvages ;
- l’élimination des céréales, amidons, légumineuses et de la majorité des fruits ;
- l’apport des glucides sous forme de légumes-feuilles et de légumes crus ou fermentés ;
- la consommation à satiété, sans mesurer strictement les calories.
Des effets immunitaires constatés
Selon une étude américaine publiée récemment dans la revue Science immunology, le régime cétogène présente plusieurs impacts sur le système immunitaire :
- une augmentation de la quantité de certaines cellules de l’immunité appelées « lymphocytes » (des globules blancs) dans les poumons,
- une amélioration des fonctions de barrière contre l’invasion des muqueuses par les microbes et une augmentation de la résistance antivirale (1).
Que dit la science sur son impact contre la Covid-19 ?
Des preuves précliniques
Selon la même étude américaine (1), le régime cétogène protège les souris contre les infections mortelles par le virus de la grippe A. Hélas, aucune étude humaine n’a vérifié ce résultat chez l’homme. De plus, cela ne concerne pas le coronavirus. Des études supplémentaires sont également nécessaires pour déterminer les mécanismes par lesquels le régime cétogène affecte l’inflammation et l’immunité.
L’enthousiasme italien
L’hypothèse de chercheurs génois
Dans une publication parue dans le journal Nutrition, des chercheurs italiens émettent une hypothèse : le régime cétogène pourrait exercer une action préventive contre la deuxième phase (la phase inflammatoire) menant à des formes graves de Covid (2). Selon eux, le régime cétogène modulerait en effet l’activité des « macrophages ». Ces derniers sont des globules blancs qui mangent des microbes, des cellules mortes et des débris cellulaires. L’activation de ces macrophages aurait pour effet de freiner certains processus biologiques caractéristiques des formes graves de Covid-19 :
- la « tempête de cytokines » ;
- l’inflammation sévère ;
- et la formation caillots sanguins.
L’étude de Padoue
Une hypothèse à vérifier
Antonio Paoli est professeur et directeur d’un laboratoire étudiant les effets de la nutrition et de l’activité physique sur la santé à l’Université de Padoue en Italie. Pour lui aussi, le régime cétogène est susceptible de prévenir l’infection et les effets indésirables potentiels de la COVID-19.
Les fondements de cette hypothèse
Outre ses effets anti-inflammatoires et immuno-modulateurs, ce régime s’est avéré efficace pour réduire rapidement la masse grasse, préserver la masse maigre et améliorer la fonction cardio-vasculaire (3). Selon lui, ces éléments doivent être pris en considération étant donné que le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque de formes graves de la maladie.
Une étude en cours
C’est pour ces raisons qu’Antonio Paoli a lancé une étude chez des patients atteints de COVID-19 hospitalisés (mais pas en unité de soins intensifs). Les patients inclus doivent suivre un régime cétogène méditerranéen très faible en glucides complété par des phyto-extraits. Résultats attendus fin Aout 2021.
Quel type de protocole a été étudié ?
Le régime cétogène a été testé dans des maladies pour lesquelles une inflammation sous-jacente a été montrée.
Sclérose en plaque
La sclérose en plaque est une maladie inflammatoire du système nerveux central. Dans le protocole d’une étude en cours destinée à tester l’effet d’un régime cétogène sur cette maladie, il est demandé aux participants de :
- consommer 70 à 80% de graisses, 15 à 20% de protéines et 5 à 10% de glucides ;
- limiter leur apport quotidien en glucides à seulement 40 g en privilégiant les aliments à faible charge glycémique et à faible indice glycémique (4) ;
Diabète de type 2
Un essai a étudié l’effet d’un régime cétogène sur le contrôle glycémique et l’inflammation dans le diabète de type 2 (5). Bien que les résultats soient flous pour l’inflammation, le contrôle glycémique a été amélioré grâce au protocole suivant :
- matin : œufs entiers ou blanc d’œuf (exemple : œufs brouillés au paprika), avocats, poivrons, oignons carottes, amandes ;
- midi : galette de dinde (dinde hachée), noix de cajou, huile d’olive, épinards, carottes, concombre ;
- soir : steak (faux-filet), noix de cajou.
Existe-t-il des risques liés au régime cétogène ?
Les effets secondaires à court terme
En début de régime, des symptômes peuvent être constatés : soif intense, nausées, maux de ventre, maux de tête ou encore une haleine particulière à l’odeur de pomme (6).
Les effets secondaires à long terme
A plus long terme, il est susceptible de provoquer des problèmes hépatiques (présence de graisses appelées triglycérides dans le foie) (7). De plus, ce régime ne suit pas les recommandations alimentaires officielles et peu d’études cliniques ont étudié l’effet de ce régime sur le statut vitaminique et minéral (8). Ce régime pauvre en fibres peut en outre induire des perturbations du microbiote et du transit intestinal. Enfin, le choix des matières grasses est important car un régime riche en graisses saturées peut conduire à des maladies cardiaques.
Des précautions à prendre
Les personnes souffrant de diabète et prenant de l’insuline ou certains traitements médicamenteux sont à risque d’hypoglycémie grave si les médicaments ne sont pas correctement ajustés avant de commencer ce régime (8).
Des contre-indications
Le régime cétogène est contre-indiqué chez les patients présentant une pancréatite, une insuffisance hépatique, des troubles du métabolisme des graisses, certaines maladies génétiques (déficit primaire en carnitine, déficit en carnitine palmitoyltransférase, déficit en carnitine translocase, des porphyries ou un déficit en pyruvate kinase) (8).
A savoir
Enfin, les personnes suivant un régime cétogène peuvent parfois subir un test d’alcoolémie faussement positif (8).
En bref
Si certains chercheurs voient dans le régime cétogène une piste pour diminuer le risque de forme grave de Covid-19, cette hypothèse reste encore théorique. Bien que des études soient en cours, aucune étude n’a pour l’instant mesuré ses bénéfices et ses risques contre la Covid. Aucune étude clinique ne vient pour l’instant confirmer les résultats prometteurs trouvés chez la souris pour la défense antigrippale. D’un autre côté, des effets secondaires existent notamment pour certaines populations spécifiques. Cela en fait un régime à ne pas utiliser hors contexte médical (épilepsie réfractaire aux médicaments) et hors avis/suivi médical.
Privilégier le modèle méditerranéen, sans risque, facile à suivre, dont les bénéfices sont plus étayés et qui semble réunir plusieurs critères décisifs.
Bibliographie
1. Ketogenic diet activates protective γδ T cell responses against influenza virus infection | Science Immunology [Internet]. Disponible sur: https://immunology.sciencemag.org/content/4/41/eaav2026
2. Sukkar SG, Bassetti M. Induction of ketosis as a potential therapeutic option to limit hyperglycemia and prevent cytokine storm in COVID-19. Nutrition. 1 nov 2020;79‑80:110967.
3. Paoli A, Gorini S, Caprio M. The dark side of the spoon – glucose, ketones and COVID-19: a possible role for ketogenic diet? J Transl Med. 20 nov 2020;18(1):441.
4. Bahr LS, Bock M, Liebscher D, Bellmann-Strobl J, Franz L, Prüß A, et al. Ketogenic diet and fasting diet as Nutritional Approaches in Multiple Sclerosis (NAMS): protocol of a randomized controlled study. Trials [Internet]. 2 janv 2020;21. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6941322/
5. Myette-Côté É, Durrer C, Neudorf H, Bammert TD, Botezelli JD, Johnson JD, et al. The effect of a short-term low-carbohydrate, high-fat diet with or without postmeal walks on glycemic control and inflammation in type 2 diabetes: a randomized trial. Am J Physiol – Regul Integr Comp Physiol. 1 déc 2018;315(6):R1210‑9.
6. Wibisono C, Rowe N, Beavis E, Kepreotes H, Mackie FE, Lawson JA, et al. Ten-Year Single-Center Experience of the Ketogenic Diet: Factors Influencing Efficacy, Tolerability, and Compliance. J Pediatr. 1 avr 2015;166(4):1030-1036.e1.
7. Kosinski C, Jornayvaz FR. Effects of Ketogenic Diets on Cardiovascular Risk Factors: Evidence from Animal and Human Studies. Nutrients. mai 2017;9(5):517.
8. Masood W, Annamaraju P, Uppaluri KR. Ketogenic Diet. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2020. Disponible sur: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK499830/