Douleur : faut-il oser l’hypnose médicale ?

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L’hypnose médicale est une technique ancienne qui fait l’objet d’un regain de popularité. Kate Middleton reconnaît par exemple avoir eu recours trois fois à l’HypnoNaissance. Le but ? Accoucher sans douleur (1) ! Le corps médical semble, lui aussi, inclure de plus en plus cette technique pour gérer la douleur. Le service rendu est est-il à la hauteur de l’engouement ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article.


Qu’est-ce que l’hypnose médicale ?

L’hypnose médicale doit être distinguée d’autres formes d’hypnose comme l’hypnose de spectacle, qui amuse ou inquiète, l’hypnose utilisée lors des transes chamaniques traditionnelles dans certains pays ou encore l’hypnose avec emprise, susceptible des pires dérives.

L’hypnose médicale ou thérapeutique est un ensemble de techniques psycho-corporelles qui permet d’activer un phénomène appelé « transe thérapeutique» et ceci dans un contexte de soins avec intention d’améliorer des symptômes et/ou comportements. Elle recouvre un ensemble de pratiques sensiblement différentes :

  • hypnosédation (à visée sédative, utilisée en anesthésie),
  • hypnoanalgésie (contre la douleur),
  • hypnothérapie (à visée psychothérapeutique).

Dans tous les cas, l’hypnothérapeute induit par la parole un état de conscience particulier chez le patient caractérisé par une indifférence à l’extérieur et une hyper suggestibilité. Cet état de conscience « hypnotique » est utilisé pour amplifier les ressources internes. Ces ressources sont utilisées pour lutter par exemple contre l’anxiété et la douleur.

L’hypnose calme-t-elle vraiment la douleur ?

Les conclusions de l’expertise Inserm (juin 2015)

En juin 2015, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a analysé une vingtaine d’études cliniques incluant plus de 100 personnes pour évaluer l’efficacité de l’hypnose. Conclusions :

  • l’hypnose a un intérêt en anesthésie lors d’une opération (2) ;
  • l’hypnose pourrait également soulager la colopathie fonctionnelle (syndrome de l’intestin irritable) ;
  • En revanche, les données sont insuffisantes voire décevantes dans d’autres indications comme la prise en charge de la douleur lors de l’accouchement (3). Cependant la portée de ces conclusions est à relativiser : les bénéfices de l’hypnose tels que formulés par les patients ont du mal à être traduits en termes numériques à l’aide des instruments cliniques habituellement utilisés dans les études.

Les analyses plus récentes

Des analyses plus récentes démontrent une certaine efficacité pour réduire les principaux symptômes de la fibromyalgie (4). Hélas, la méthodologie des études réalisées est fragile. C’est pourquoi, la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR) ne la recommande pas (5). Outre son utilisation en salle d’opération, le principal intérêt de l’hypnose est de diminuer la consommation de médicaments antidouleur ou de sédatifs lors de gestes invasifs (6) tels que les biopsies mammaires, les IVG, les soins dentaires ou les actes de radiologie interventionnelle. Ceci améliore ainsi la sécurité des patients (7). Enfin, l’hypnose thérapeutique semble particulièrement bénéfique chez :

  • les enfants et adolescents qui présentent des douleurs abdominales récurrentes (8),
  • les enfants atteints de cancer (9),
  • et les personnes brûlées (10)(11).

L’hypnose médicale, comment ça fonctionne ?

L’état hypnotique est différent du sommeil et de l ́état de veille. Les techniques d’imagerie moderne ont mis en évidence des modifications de l’activité cérébrale de certaines régions lors de suggestions chez un sujet sous hypnose.

En présence d’une douleur, un sujet sous hypnose à qui l’on suggère que la sensation n’est pas déplaisante présente une modification de l’activité d’une partie du cerveau (12) qui intègre la composante émotionnelle de la douleur. Les représentations mentales déclenchées par les suggestions permettraient en quelques sortes de modifier de façon bien réelle, les perceptions vécues par le corps.

A l’inverse, certaines études ont montré la capacité de l’hypnose à activer les circuits neuronaux correspondants à une douleur physique suite à une suggestion hypnotique et ce même en l’absence de stimuli douloureux (13).

Comment se déroule une séance ?

L’entretien préalable

C’est un moment très important pendant lequel sont utilisées des techniques de communication verbale et non verbale.

L’induction (ou activation du processus hypnotique)

Le patient s’installe dans la position la plus confortable et est invité à fermer les yeux. Le praticien l’accompagne et lui propose de prendre conscience de ses perceptions (ici et maintenant) : sa position, sa respiration, les sons perçus, et toutes sortes de phénomènes dont on peut prendre conscience. De nombreuses techniques peuvent être utilisées : la confusion (technique pour déséquilibrer la personne dans son raisonnement logique et bloquer son fonctionnement conscient habituel), la fixation de l’attention sur une image ou une situation…

L’approfondissement

Le praticien peut utiliser différents outils de communication: suggestions directes ou indirectes, métaphores…etc.

Dans le domaine de l’analgésie, les suggestions peuvent être des suggestions directes d’anesthésie (corps cotonneux, pommade anesthésiante, anesthésie en gant, interrupteur de la douleur…) ou des suggestions dissociatives, qui éloignent de la douleur (imaginer qu’une partie du corps ne fait plus partie de soi, transférer la douleur à un autre endroit du corps…).

Les émotions ressenties pendant la transe sont souvent adoucies, comme mises à distance, ce qui permet de les vivre avec plus de sérénité. Elles peuvent, toutefois, se manifester à travers de micro-expressions faciales et parfois des larmes (non spécifique de l’hypnose).

Sortie de l’état hypnotique

Cette phase vient en miroir de l’induction, elle permet au patient de revenir « ici », c’est-à-dire vers le lieu où il se situe, et « maintenant », c’est-à-dire dans le moment présent.

Entretien post-hypnotique

Le patient est invité s’il le souhaite à exprimer son vécu de l’expérience ce qui permet au thérapeute d’adapter au mieux ses techniques lors des séances ultérieures.

Existe-t-il des contre-indications et des effets indésirables ?

Les contre-indications

Les contre-indications ne sont pas formelles, même si l’hypnothérapie apparaît « peu adaptée » dans les troubles psychotiques aigüs, les bouffées délirantes, la paranoïa, les états psychotiques ou les démences modérées à sévères.

Les effets indésirables

Les effets indésirables sont rares. Quelques effets bénins ont été décrits dans la littérature :

  • Fatigue
  • Vertiges
  • Anxiété
  • Maux de tête
  • Sensation de malaise

Attention aux risques de dérives (manipulation mentale, dérives financières ou sectaires), l’hypnose n’est pas une pratique réglementée ! Pour prévenir ces risques :

  • l’hypnose est, et doit être utilisée en complément des traitements spécifiques chez une personne consentante ;
  • l’hypnopraticien doit être formé, utiliser l’hypnose dans son domaine de compétence et respecter un code de déontologie professionnelle (ex : charte éthique de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves (CFHTB)).

Focus sur l’hypnothérapie en cas d’intestins irritables

Connaissez-vous l’hypnothérapie dirigée vers l’intestin ?  Elle vise à réguler la fonction intestinale.  Surtout utilisée pour traiter les problèmes digestifs tels que ceux présents dans le syndrome de l’intestin irritable, cette technique utilise des suggestions comme « Il n’y aura plus de douleur, plus de ballonnements et plus d’inconfort ».

Elle a également recours à des métaphores comme la chaleur des mains en tant qu’inducteur de calme et de contrôle. Les patients sont par exemple invités à placer leurs mains sur leur abdomen et à visualiser des sentiments de calme et de contrôle sur leur intestin.

L’hypnothérapie dirigée vers l’intestin présente une efficacité située entre 24% et 73% selon les études. En outre, l’efficacité se maintien souvent dans le temps (deux mois à un an selon les études)(14) !
Et vous avez-vous déjà expérimenté l’hypnose thérapeutique ? Pour quelles problématiques de santé ?

Ressources bibliographiques

1.     Média P. Kate Middleton : cette folle rumeur sur ses trois grossesses qu’elle confirme enfin ! – Gala [Internet]. Gala.fr. [cité 18 févr 2020]. Disponible sur: https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/kate-middleton-cette-folle-rumeur-sur-ses-trois-grossesses-quelle-confirme-enfin_443272

2.     Rosendahl J, Koranyi S, Jacob D, Zech N, Hansen E. Efficacy of therapeutic suggestions under general anesthesia: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Anesthesiol. 22 2016;16(1):125.

3.     Madden K, Middleton P, Cyna AM, Matthewson M, Jones L. Hypnosis for pain management during labour and childbirth. Cochrane Database Syst Rev. 19 mai 2016;(5):CD009356.

4.     Zech N, Hansen E, Bernardy K, Häuser W. Efficacy, acceptability and safety of guided imagery/hypnosis in fibromyalgia – A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Eur J Pain Lond Engl. 2017;21(2):217‑27.

5.     Macfarlane GJ, Kronisch C, Dean LE, Atzeni F, Häuser W, Fluß E, et al. EULAR revised recommendations for the management of fibromyalgia. Ann Rheum Dis. 1 févr 2017;76(2):318‑28.

6.     Thompson T, Terhune DB, Oram C, Sharangparni J, Rouf R, Solmi M, et al. The effectiveness of hypnosis for pain relief: A systematic review and meta-analysis of 85 controlled experimental trials. Neurosci Biobehav Rev. 2019;99:298‑310.

7.     Noergaard MW, Håkonsen SJ, Bjerrum M, Pedersen PU. The effectiveness of hypnotic analgesia in the management of procedural pain in minimally invasive procedures: A systematic review and meta-analysis. J Clin Nurs. déc 2019;28(23‑24):4207‑24.

8.     Abbott RA, Martin AE, Newlove-Delgado TV, Bethel A, Thompson-Coon J, Whear R, et al. Psychosocial interventions for recurrent abdominal pain in childhood. Cochrane Database Syst Rev. 10 2017;1:CD010971.

9.     Nunns M, Mayhew D, Ford T, Rogers M, Curle C, Logan S, et al. Effectiveness of nonpharmacological interventions to reduce procedural anxiety in children and adolescents undergoing treatment for cancer: A systematic review and meta-analysis. Psychooncology. 2018;27(8):1889‑99.

10.   Provençal S-C, Bond S, Rizkallah E, El-Baalbaki G. Hypnosis for burn wound care pain and anxiety: A systematic review and meta-analysis. Burns J Int Soc Burn Inj. 2018;44(8):1870‑81.

11.   Efficacy of non-pharmacological interventions for procedural pain relief in adults undergoing burn wound care: A systematic review and meta-analysi… – PubMed – NCBI [Internet]. [cité 18 févr 2020]. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29287729

12.   Pain Affect Encoded in Human Anterior Cingulate But Not Somatosensory Cortex | Science [Internet]. [cité 7 janv 2021]. Disponible sur: https://science.sciencemag.org/content/277/5328/968.long

13.   Derbyshire SWG, Whalley MG, Stenger VA, Oakley DA. Cerebral activation during hypnotically induced and imagined pain. NeuroImage. 1 sept 2004;23(1):392‑401.

14.   Peters SL, Muir JG, Gibson PR. Review article: gut-directed hypnotherapy in the management of irritable bowel syndrome and inflammatory bowel disease. Aliment Pharmacol Ther. 2015;41(11):1104‑15.

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