Traiter la dépression par l’activité physique

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La dépression est LA maladie qui provoque le plus d’invalidité dans le monde (1). Selon l’OMS, cette maladie sera la plus importante en 2030 dans le monde. En France, elle touche trois millions de personnes. Et l’usage d’antidépresseurs y est le plus important au monde.
Et si l’activité physique avait toute sa place dans un parcours thérapeutique en cas de dépression ?
Une synthèse publiée en 2019 par un groupe d’experts réunis par l’Inserm apporte un éclairage concret sur la question. Décryptage.

Les liens entre activité physique et dépression

Si cet état des lieux concernant la progression de cette maladie est plutôt préoccupant, la suite est un peu plus réjouissante. En effet, des études de cohortes démontrent que plus le niveau d’activité physique est élevé, plus le risque dépression est bas (2). Cela vaut pour tout le monde, y compris les adolescents  (3) et les personnes de plus de 60 ans (4,5).

Cause ou conséquence ?

C’est la première question qu’on est en droit de se poser à la lecture de ces constatations. La réponse est : sans doute les deux ! Le trouble dépressif augmente le risque d’inactivité physique (6) et plus la dépression est sévère, plus l’inactivité physique a tendance à être importante (7). Mais d’un autre côté, les études interventionnelles confirment les effets protecteurs intrinsèques de l’activité physique (11,12).

L’activité physique comme véritable traitement antidépresseur

De plus en plus d’essais sont menés depuis le début des années 2000 (13). LA très grande majorité des études a indiqué un effet positif de l’activité physique (14–21) que ce soit en complément des traitements conventionnels ou en alternative. Une synthèse d’études (16) a même montré des bénéfices équivalents à la prise de médicaments antidépresseurs. Mais ce n’est pas tout ! Une étude (22) a mis en évidence un  taux de récidives plus faible avec les programmes d’activité physique qu’avec la prise de médicaments.  L’ajout d’un médicament antidépresseur au programme d’activité physique n’apporte pas de meilleurs résultats sur la prévention des récidives (22) tandis que l’ajout d’un programme d’activité physique à des patients résistants aux médicaments antidépresseurs (13,23) permet une diminution de leurs symptômes dépressifs.

Les mécanismes antidépresseurs de l’activité physique

Si l’activité physique ne compte pas pour du beurre, c’est qu’elle a un effet systémique digne d’un cocktail de molécules ! En effet, elle sollicite plusieurs mécanismes biologiques et des processus psychosociaux simultanément :

  1. meilleur apport d’oxygène au cerveau,
  2. facilitation de la création de neurones (24),
  3. influence sur la libération de molécules agissant sur le sentiment de bonheur ou les réactions au stress (cortisol et de sérotonine),
  4. stimulation des voies d’endorphine et facilitation du circuit de la récompense (25),
  5. modification des niveaux de conscience, notamment du corps (26),
  6. amélioration de certaines fonctions du cerveau (planification, coordination, focalisation, apprentissage),
  7. distraction et diversion des pensées négatives,
  8. augmentation de l’efficacité personnelle, de l’estime de soi et de la participation sociale (20),
  9. effet placebo : il contribue à hauteur de 30 % pour toute thérapeutique, jusqu’à 70 % dans le traitement médicamenteux des dépressions (27).

Contenu des programmes d’activité physique adaptée recommandés

En Angleterre

En Angleterre, le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) recommande de traiter la dépression d’intensité légère à modérée avec des programmes d’activité physique. Mais pas n’importe comment ; ceux-ci doivent être encadrés par des professionnels compétents et comporter 3 séances par semaine de 45 à 60 minutes sur une durée de 10 à 14 semaines (28).

En Allemagne

En Allemagne, le National Clinical Practice Guideline recommande une activité physique basée sur l’expérience vécue pour améliorer le bien-être et diminuer les symptômes dépressifs (29).

Au canada

Au Canada, le Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments recommande, un programme d’activité physique en première intention et en thérapie unique pour des adultes touchés par une dépression d’intensité légère à modérée et complémentaire aux traitements conventionnels pour les adultes souffrant d’une dépression modérée à sévère (30).

Alors, quelle « dose » pour l’activité physique ?

Globalement, la littérature scientifique converge autour d’une « prescription » spécifique dans les programmes destinés au traitement de la dépression :

  • fréquence : 3 séances par semaine (16,18,31–33),
  • durée des séances : 30 minutes (34)  à une heure (18),
  • intensité : indifférente pour certains (18); 60 à 80 % de la fréquence cardiaque maximale pour d’autres (34),
  • nature des exercices : pratiques physiques mixtes (endurance et renforcement musculaire) (16,18,32),
  • durée du programme : minimum de 25 à 36 séances sur 3 mois (16),
  • modalités d’accompagnement : séances seules ou en groupe mais supervisées (18,34).

En bref

L’usage des antidépresseurs en France est très important et, souvent banalisé.
Or, les effets thérapeutiques d’une activité physique adaptée sont maintenant bien documentés. Intégrer le mouvement dans notre mode de vie permet non seulement de juguler la dépression mais aussi de la prévenir. On a tout à y gagner à bouger davantage !

Ressources Bibliographiques :

1.     Mental health: a world of depression. – PubMed – NCBI [Internet]. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25391942

2.     Azevedo Da Silva M, Singh-Manoux A, Brunner EJ, Kaffashian S, Shipley MJ, Kivimäki M, et al. Bidirectional association between physical activity and symptoms of anxiety and depression: the Whitehall II study. Eur J Epidemiol. juill 2012;27(7):537‑46.

3.     Jerstad SJ, Boutelle KN, Ness KK, Stice E. Prospective Reciprocal Relations between Physical Activity and Depression in Adolescent Females. J Consult Clin Psychol. avr 2010;78(2):268‑72.

4.     van Gool CH, Kempen GIJM, Penninx BWJH, Deeg DJH, Beekman ATF, van Eijk JThM. Impact of depression on disablement in late middle aged and older persons: results from the Longitudinal Aging Study Amsterdam. Soc Sci Med. 1 janv 2005;60(1):25‑36.

5.     Lindwall M, Larsman P, Hagger MS. The reciprocal relationship between physical activity and depression in older European adults: a prospective cross-lagged panel design using SHARE data. Health Psychol Off J Div Health Psychol Am Psychol Assoc. juill 2011;30(4):453‑62.

6.     The longitudinal effects of depression on physical activity – ScienceDirect [Internet]. Disponible sur: https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0163834309000607

7.     Moore KA, Babyak MA, Wood CE, Napolitano MA, Khatri P, Craighead WE, et al. The Association between Physical Activity and Depression in Older Depressed Adults. J Aging Phys Act. 1 janv 1999;7(1):55‑61.

8.     De Moor MHM, Boomsma DI, Stubbe JH, Willemsen G, de Geus EJC. Testing causality in the association between regular exercise and symptoms of anxiety and depression. Arch Gen Psychiatry. août 2008;65(8):897‑905.

9.     Harvey SB, Hotopf M, Overland S, Mykletun A. Physical activity and common mental disorders. Br J Psychiatry J Ment Sci. nov 2010;197(5):357‑64.

10.   Hiles SA, Lamers F, Milaneschi Y, Penninx BWJH. Sit, step, sweat: longitudinal associations between physical activity patterns, anxiety and depression. Psychol Med. juin 2017;47(8):1466‑77.

11.   Teychenne M, Ball K, Salmon J. Physical activity and likelihood of depression in adults: a review. Prev Med. mai 2008;46(5):397‑411.

12.   Dunn AL, Weintraub P. Exercise in the Prevention and Treatment of Adolescent Depression: A Promising but Little Researched Intervention: Am J Lifestyle Med [Internet]. 22 août 2008; Disponible sur: https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1559827608323225

13.   Trivedi MH, Greer TL, Church TS, Carmody TJ, Grannemann BD, Galper DI, et al. Exercise as an augmentation treatment for nonremitted major depressive disorder: a randomized, parallel dose comparison. J Clin Psychiatry. mai 2011;72(5):677‑84.

14.   Conn VS. Depressive symptom outcomes of physical activity interventions: meta-analysis findings. Ann Behav Med Publ Soc Behav Med. mai 2010;39(2):128‑38.

15.   North TC, McCullagh P, Tran ZV. Effect of exercise on depression. Exerc Sport Sci Rev. 1990;18:379‑415.

16.   Cooney GM, Dwan K, Greig CA, Lawlor DA, Rimer J, Waugh FR, et al. Exercise for depression. Cochrane Database Syst Rev. 12 sept 2013;(9):CD004366.

17.   Mead GE, Morley W, Campbell P, Greig CA, McMurdo M, Lawlor DA. Exercise for depression. Cochrane Database Syst Rev. 8 oct 2008;(4):CD004366.

18.   Rethorst CD, Wipfli BM, Landers DM. The antidepressive effects of exercise: a meta-analysis of randomized trials. Sports Med Auckl NZ. 2009;39(6):491‑511.

19.   Craft LL, Landers DM. The effect of exercise on clinical depression and depression resulting from mental illness: A meta-analysis. J Sport Exerc Psychol. 1998;20(4):339‑57.

20.   Lawlor DA, Hopker SW. The effectiveness of exercise as an intervention in the management of depression: systematic review and meta-regression analysis of randomised controlled trials. BMJ. 31 mars 2001;322(7289):763‑7.

21.   Krogh J, Nordentoft M, Sterne JAC,et al.The effect of exercise in clinicallydepressed adults: systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials.J Clin Psychiatry2011 ; 72 : 529-38 – Recherche Google [Internet]. Disponible sur: https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=Krogh++J%2C++Nordentoft++M%2C++Sterne++JAC%2Cet+al.The++effect++of++exercise++in++clinicallydepressed+adults%3A+systematic+review+and+meta-analysis+of+randomized+controlled+trials.J+Clin+Psychiatry2011+%3B+72+%3A+529-38

22.   Babyak M, Blumenthal JA, Herman S, Khatri P, Doraiswamy M, Moore K, et al. Exercise treatment for major depression: maintenance of therapeutic benefit at 10 months. Psychosom Med. oct 2000;62(5):633‑8.

23.   Mota-Pereira J, Silverio J, Carvalho S, Ribeiro JC, Fonte D, Ramos J. Moderate exercise improves depression parameters in treatment-resistant patients with major depressive disorder. J Psychiatr Res. août 2011;45(8):1005‑11.

24.   Hippocampal Neurogenesis and Dendritic Plasticity Support Running-Improved Spatial Learning and Depression-Like Behaviour in Stressed Rats [Internet]. Disponible sur: https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0024263

25.   Schuch FB, Deslandes AC, Stubbs B, Gosmann NP, Silva CTB da, Fleck MP de A. Neurobiological effects of exercise on major depressive disorder: A systematic review. Neurosci Biobehav Rev. févr 2016;61:1‑11.

26.   Mehling WE, Wrubel J, Daubenmier JJ, Price CJ, Kerr CE, Silow T, et al. Body Awareness: a phenomenological inquiry into the common ground of mind-body therapies. Philos Ethics Humanit Med PEHM. 7 avr 2011;6:6.

27.   Benedetti F, Carlino E, Pollo A. How placebos change the patient’s brain. Neuropsychopharmacol Off Publ Am Coll Neuropsychopharmacol. janv 2011;36(1):339‑54.

28.   Overview | Depression in adults: recognition and management | Guidance | NICE [Internet]. Disponible sur: https://www.nice.org.uk/guidance/cg90

29.   Härter M, Klesse C, Bermejo I, Schneider F, Berger M. Unipolar depression: diagnostic and therapeutic recommendations from the current S3/National Clinical Practice Guideline. Dtsch Arzteblatt Int. oct 2010;107(40):700‑8.

30.   Ravindran AV, Balneaves LG, Faulkner G, Ortiz A, McIntosh D, Morehouse RL, et al. Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) 2016 Clinical Guidelines for the Management of Adults with Major Depressive Disorder: Section 5. Complementary and Alternative Medicine Treatments. Can J Psychiatry Rev Can Psychiatr. 2016;61(9):576‑87.

31.   Martinsen EW, Hoffart A, Solberg O. Comparing aerobic with nonaerobic forms of exercise in the treatment of clinical depression: a randomized trial. Compr Psychiatry. août 1989;30(4):324‑31.

32.   Pedersen BK, Saltin B. Evidence for prescribing exercise as therapy in chronic disease. Scand J Med Sci Sports. févr 2006;16 Suppl 1:3‑63.

33.   Sexton H, Maere A, Dahl NH. Exercise intensity and reduction in neurotic symptoms. A controlled follow-up study. Acta Psychiatr Scand. sept 1989;80(3):231‑5. 34.       Perraton LG, Kumar S, Machotka Z. Exercise parameters in the treatment of clinical depression: a systematic review of randomized controlled trials. J Eval Clin Pract. juin 2010;16(3):597‑604.

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